Les documentaristes ont pour vocation de partager des histoires et d’utiliser la pellicule pour mettre en lumière les injustices, explorer tous les recoins de l’expérience humaine et célébrer les identités. Ce travail déjà difficile est rendu encore plus ardu par des composantes inhérentes à ce métier qui provoquent un sentiment de déconnexion et nuisent à la santé mentale des documentaristes.
L’objectif de cette étude est de partager les conclusions d’une recherche conduite en 2022 pour comprendre l’état actuel de la santé mentale des documentaristes canadien.ne.s. L’étude a été conduite autour de sept groupes de discussions. Chaque groupe était composé de cinéastes partageant des identités comparables : noirs, musulmans et racialisés ; groupe autochtone; 2SLGBTQIA+2; créateur.trice.s vivant avec un handicap ; femmes et non binaires ; francophones ; et anglophones.
Le premier chapitre dresse le portrait des stress et des pressions courantes qu’éprouvent les documentaristes et l’impact que ces conditions peuvent avoir sur leur santé mentale : le financement, les déséquilibres de pouvoir, les conditions de travail stressantes, la précarité financière, les relations interpersonnelles, la distribution, l’isolement, la stigmatisation, les évènements professionnels, les sujets chargés émotionnellement, la famille, les démissions, le manque de soins de santé mentale et les initiatives sur la diversité.
Le second chapitre repose sur les interventions des participant.e.s de chacun des groupes de réflexion portant sur les défis auxquels différents groupes marginalisés de documentaristes canadien.ne.s doivent faire face. Ce chapitre soulève aussi la question de l’effet conjugué des forces discriminatoires sur les conditions de travail des documentaristes et son impact sur leur santé mentale.
Le troisième chapitre présente un sommaire des suggestions des documentaristes pour des améliorations au sein de l’industrie. Ces suggestions incluent une plus grande transparence, particulièrement dans l’attribution des financements, une balance du pouvoir plus équitable, des pratiques de travail normalisées, des formations supplémentaires, davantage de connexion avec les pairs et les mentors, des méthodes de distribution améliorées, une flexibilité répondant aux besoins liés à la santé personnelle et familiale, et, par-dessus tout, un soutien en santé mentale pour les cinéastes, les équipes et les protagonistes en cinéma documentaire.
« Plusieurs de nos cinéastes luttent contre ce que l’on pourrait appeler un paradigme des privilèges : on attend d’une personne qu’elle se maintienne dans un cadre étroit pour pouvoir passer des années à développer un projet sans être payé, à demeurer stoïque devant la dureté d’une situation et d’une communauté, tout en étant encouragée à faire un film doté d’un point de vue unique ou de se frayer un chemin dans cette industrie sans aucune neuro-divergence ni aucun handicap. Quand l’identité ou l’expérience des documentaristes ne cadre pas avec ce modèle, plusieurs en subissent les impacts négatifs sur leur santé mentale. Les films documentaires jouent un rôle primordial dans notre environnement culturel et le secteur documentaire est constitué d’une des communautés créatives les plus diverses au pays. Si nous ne réagissons pas devant le problème de la santé mentale dans notre profession, nous risquons de perdre ce point de vue et des histoires qui sont d’une importance capitale pour nous aider à comprendre le monde qui nous entoure et montrer au reste du monde notre identité canadienne unique »
Directrice Générale de DOC, Sarah Spring
Cette recherche a été menée via DocuMentality. DocuMentality est un groupe de cinéastes et de professionnels de la santé mentale qui se sont réunis pour sonner l’alarme sur la santé mentale dans l’industrie du film documentaire.
Cette étude a été rendue possible grâce au soutien du Fonds des médias du Canada